Mer amère

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Mer amère

 

L’océan est doué de vie. Peu d’hommes le connaissent vraiment.

La plupart le contemplent de la côte sans jamais oser entrer en son sein, loin de toute terre, avec comme seuls repères l’horizon lointain pour l’œil, et Dieu pour la raison.

 

Créature merveilleuse et capricieuse, la mer embrasse ses marins comme une mère ses propres enfants, d’une étreinte charnelle.

La plupart du temps, folle d’amour, elle les porte avec passion, les berçant tendrement.

Mais parfois, hérissée d’une blanche colère, elle devient alors sombre de cruauté.

Pourtant, toujours adorée.

 

L’homme de la mer qui connaît le monde dans sa diversité est un homme à part.

Ni meilleur ni pire que les autres, il est pourtant bien différent car s’il a su tirer profit de ses voyages, son œil a changé. Réorganisant l’ordre des priorités dans son existence.

 

Les marins sont les cavaliers de l’écume, chevauchant sans cesse les crêtes vers l’inconnu.

Pressés par un vent qui selon son humeur les caresse affectueusement ou bien les gifle cruellement, ils sont de toute génération soumis au mouvement perpétuel qui les berce et parfois les tue.

 

Partir en mer n’est pas seulement partir.

Bien plus qu’un voyage, il est davantage question d’aventure et d’abandon.

Abandon du commun pour vivre davantage, plus fort et bien plus loin.

Apprendre à se faire face, sans pleurs et sans fards.

Savoir enfin accepter son destin; avec honneur, en homme  en somme.

 

La richesse du marin n’est pas or qui brille mais lueur au fond des pupilles,

Quand le commun se plaint ou se vante, l’homme de la mer compatit.

Pas à ses plaintes ni à ses leurres, mais à l’origine de ses malheurs:

Une vie trop pauvre et sans saveur.

Dans la nuit terrible d’une mer démontée, la noirceur de la tourmente.

Quand plus d’horizon devant, que la tunique noire de la fureur mordante.

Alors que le vent griffe et hurle ameutant les vagues qui écument de rage.

Et que la mer avale et happe la proue, funestes prémices du naufrage.

Garde l’âme prête, et défends ton clan car la mer s’apprête à te prendre en son flanc.

C’est le jour où tout sombre comme c’est à chacun le lot sur cette terre,

Mais tes regrets à toi sont moindres et ton trépas moins amer.

Car c’est le plus beau destin du marin que d’aimer et mourir en mer.

 

L’eau et le sel sur ta peau, ton destin scellé sur les fonds baptismaux.

Sentant la mer, rêvant d’autres terres, priant le vent ainsi que les flots.

Des anciens qui la vraie vie connaissent, la peau brunie, l’âme en paix.

En leurs noms grandis, deviens marin et ta route traces d’un trait.

Sur le gaillard d’avant ou dans ta bannette, ton cœur s’accorde à l’océan,

La terre est ronde et tu la connais fort bien maintenant.

Plié par le vent, perdu dans la tourmente au milieu de l’océan.

Petit être qui lutte en vain contre la fureur des éléments.

Courbe l’échine sur ton esquif, le dos rond, la mise soumise.

Sais-tu prier marin ? Pour que tes tourments s’amenuisent ?

Quand plus rien n’y fait et que l’espoir s’estompe, loin des terres.

Seul Dieu entend, dans cet enfer mouvant, les cris du pauvre hère.

Prie marin, prie pour toi, mais pas seulement.

Grandeur de Foi ne s’adresse pas à soi, même dans les pires moments.